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A quelques jours de la rentrée scolaire 2020, les attentes quant à l’accueil des élèves en situation de handicap sont fortes alors que celle-ci est exceptionnelle du fait de la crise sanitaire liée au Covid-19. Ce moment est charnière pour les élèves en situation de handicap qui peuvent faire face à des difficultés pour accéder à l’École, voire ne pas jouir de ce droit.

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Échanges avec Jean-Louis Garcia, président de la Fédération APAJH (le 27 août 2020).

Pour cette rentrée, de nombreuses mesures sont attendues pour répondre à la situation sanitaire, quelles doivent être celles concernant le handicap ?

A quoi sert l’École, pourquoi est-elle gratuite et laïque ? Il est à mon sens essentiel de se rappeler que c’est pour que tous les enfants de la République aillent à l’École, dès 3 ans, filles et garçons tous ensemble. Des gouvernements ont pris ces décisions pour gommer les différences. Aujourd’hui, des enfants en situation de handicap sont encore exclus de cette école-là. Ce sont ces principes qu’il faut reprendre. Évidemment, il ne faut pas nier le contexte particulier de crise sanitaire que nous connaissons actuellement qui nécessite de prendre des précautions particulières. Mais le point d’entrée de cette rentrée doit être le droit à l’École de tous les enfants de la République.

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Justement, ce contexte particulier pourrait pousser certains à tendre vers plus de précaution pour les jeunes en situation de handicap, potentiellement plus fragiles ?

Pour que les élèves d’aujourd’hui soient les citoyens demain, ils doivent se fréquenter, échanger, vivre les uns avec les aux autres, tous ensemble dans l’École de la République. Bien sûr, il y a l’aspect de l’accueil et de la sécurité ; mais passés les aspects logistiques et organisationnels, nous devons revenir aux fondements de l’École. En exclure certains, au motif de leur handicap, parce qu’ils sont différents et penser « qu’à part ils pourront mieux être accompagnés », ne permet pas cet accès à la citoyenneté. Nous en avons eu l’illustration au moment du déconfinement, le ministre a décidé que les enfants en situation de handicap étaient prioritaires pour l’accès à l’École ; sur le terrain, quelques responsables de l’Éducation nationale disaient eux que ces enfants étaient trop fragiles et devaient rester à leur domicile. Ces mêmes « tris » pourraient se faire à la rentrée, alors que certains enfants n’ont plus de contact avec l’École depuis le 17 mars dernier, et ont pu régresser.
Alors si ceux qui organisent cette rentrée sont plein de craintes et de précaution, et partent du postulat de mettre à part ces enfants pour garantir leur protection, ils ont tout faux ! La prise de risque mesurée doit faire partie de l’organisation de la future rentrée scolaire. Il n’y a jamais de rentrée ordinaire, encore moins cette année, mais cette rentrée doit être celle de tous les enfants, sans distinction.

Concrètement, comment prendre en compte le handicap sans toucher à ce droit à l’École?

On ne peut imaginer qu’il soit décidé de faire une rentrée la plus classique possible pour les enfants « ordinaires » et dans un mois, quand la situation permettra d’y voir un peu plus clair, une rentrée différée ou selon d’autres modalités pour les enfants en situation de handicap. Le jour de la rentrée doit être le même pour tous. Au-delà du rite, il s’agit d’un droit. Se pose également la question des établissements spécialisés, qui sont certes absolument nécessaires avec des professionnels dont le métier est d’accompagner le handicap, mais qui doivent également être dans une démarche d’évolution et tendre vers une relation de coopération avec le monde de l’Éducation nationale, comme cela est prévu dans l’accord-cadre que nous avons signé avec le ministère de l’Éducation nationale et le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées.
Les professionnels doivent mettre toute leur intelligence et leur expérience en commun pour accompagner les enfants en situation de handicap dans l’endroit qui doit être le leur, c’est-à-dire l’École de la République.

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Qu’en est-il des dispositifs spécifiques prévus pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap ?

A quelques heures de la rentrée des classes, qu’attendent les parents d’un enfant en situation de handicap ? Que leur enfant aille à l’École de tous ; pas un numéro de téléphone, pas une équipe mobile ou autre dispositif. Évidemment, ce sont des outils utiles, nécessaires et pertinents pour accompagner les besoins particuliers, et compenser la différence. Mais aujourd’hui, les parents ont une exigence et ils ont raison, celle de la mise en œuvre du droit à la scolarisation. Une rentrée scolaire s’organise durant des mois, et on ne peut imaginer une rentrée scolaire sans les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) – formés et correctement rémunérés – prêts à accompagner des enfants dès le 1er septembre, on ne peut pas imaginer que les parents ne connaissent pas déjà le nom de l’AESH qui va accompagner leur enfant tout au long de l’année, on ne peut pas imaginer une rentrée préparée sans tous les aménagements pour que les enfants en situation de handicap puissent être avec leurs camarades.
Cette réponse aux besoins spécifiques des élèves doit aussi se faire grâce à une coopération renforcée et équilibrée avec les équipes médico-sociales intervenant au sein de l’École de tous.

Vous êtes un enseignant retraité, quel est votre regard personnel sur cette rentrée 2020 ?

Chaque année, les enseignants sont heureux de retrouver les élèves après la pause estivale. Je pense que cette année, ce sera d’autant plus le cas suite à cette rupture inédite, car même en temps de guerre les enfants continuaient d’aller à l’École. On ne peut pas être un enseignant passionné sans penser à l’accueil de ces enfants, qu’on ne peut pas retrouver comme si de rien n’était. Cela passe notamment par l’adaptation de la pédagogie à la nouvelle situation sanitaire et d’éventuelles nouvelles mesures de confinement. Cette adaptation ne peut se faire sans regroupement de réflexion, de partage d’expérience avec l’Éducation nationale et les acteurs de la scolarisation de tous.

Je sais le réseau APAJH prêt à apporter son énergie, son engagement, son expertise et son soutien aux familles et professionnels pour que cette rentrée soit réussie. Cette dynamique doit aussi être portée par le plus haut niveau de l’État pour que tous nos jeunes soient attendus à l’école, au collège et bien au-delà, partout où le savoir et l’apprentissage apporteront autonomie et pleine citoyenneté.