Santé au travail : un projet de loi insatisfaisant
Les députés ont terminé la semaine dernière l’examen de la proposition de loi (PPL) « Prévention en santé et travail ». Si les débats ont permis de prendre un peu mieux en compte la situation des travailleurs en situation de handicap, l’APAJH aux côtés des associations du Collectif Handicaps interpelle les élus car la proposition de loi n’est pas à la hauteur à ce jour. Il est nécessaire que le Sénat s’affranchisse de l’accord des partenaires sociaux pour être plus ambitieux.
Certes, les députés ont adopté des amendements intéressants : collaboration des acteurs de l’emploi des travailleurs en situation de handicap à la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle, renforcement du rôle du référent handicap sur les questions de prévention.
Mais, pour les associations du Collectif Handicaps, ces amendements restent pour la plupart d’entre eux symboliques. C’est le cas notamment de celui visant à intégrer le terme « handicap » dans le titre d’un des chapitres de la loi.
Un tel ajout ne suffira pas à éviter la désinsertion professionnelle des travailleurs invalides ou en situation de handicap. Il en faudra plus pour que le travail arrête chaque année de casser et user des travailleurs, qui deviennent handicapés, en ne recevant qu’une indemnisation au rabais.
Avec le Collectif Handicaps, l’APAJH pointe que de nombreux points restent encore problématiques.
- L’accès cloisonné du médecin du travail au dossier médical partagé reste un sujet de préoccupation majeure malgré un amendement qui améliore la protection des salariés. En effet, s’il est bien noté que le consentement exprès du salarié est requis, il conviendrait que celui puisse se faire de manière éclairée et sans ambigüité ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
- Le rendez-vous de pré-reprise entre le salarié et l’employeur sans même que la présence du médecin du travail soit obligatoire doit être transformé pour rendre obligatoire la visite de pré-reprise avec le médecin du travail afin de prévenir les situations de désinsertion professionnelle.
- La visite à mi-carrière (45 ans) interroge quant à son utilité réelle, alors même que d’autres visites existent, sur sa faisabilité dans un contexte de manque de médecins du travail que la proposition de loi ne va pas résoudre, mais aussi son impact et ses conséquences sur la poursuite de l’activité professionnelle des travailleurs.
- Le passeport de prévention, s’il est intéressant parce que venant renforcer la formation en matière de prévention, ne doit aucunement devenir un moyen, pour l’employeur, d’échapper à sa responsabilité en matière de santé au travail et, de fait, à son obligation d’indemniser les victimes.
- Le refus assumé des partenaires sociaux et des parlementaires d’intégrer les associations de victimes du travail au sein du comité national de prévention en santé au travail est incompréhensible.
Pour les associations du Collectif Handicaps, loin de venir sécuriser les parcours professionnels des salariés, la PPL « Santé au travail » renforce les droits d’employeurs en matière de gestion des carrières.
A cette date, nous considérons que la navette parlementaire doit permettre d’améliorer ce texte – insatisfaisant – encore en de nombreux points pour ne pas fragiliser davantage les salariés les plus vulnérables et les plus touchés par la désinsertion professionnelle.