En bref :
- La plateforme des Charmettes, dans le Gers, comprend deux foyers et un ESAT
- Hélène Soler, infirmière aux Charmettes, est titulaire d’un diplôme en oxyologie paramédicale pour urgences collectives
- Depuis le début de la crise sanitaire, elle a pu mettre en pratique son savoir-faire.
Dans le Gers, Hélène Soler est infirmière pour la plateforme des Charmettes. Titulaire d’un diplôme universitaire d oxyologie paramédicale pour urgences collectives, elle a pu mettre en pratique son savoir-faire dans les deux foyers et à l’ESAT.
Quel est votre rôle à l’APAJH ?
Je suis référente santé à la plateforme des Charmettes qui est un dispositif non médicalisé. La plateforme comprend un foyer d’hébergement, un foyer de vie et un ESAT. Quand tout va bien, Je fais surtout de l’accompagnement des résidents, notamment pour faire le lien avec les spécialistes. Je m’occupe aussi de du circuit du médicament avec notre pharmacie partenaire. En tant qu’infirmière, j’ai travaillé pendant 12 ans aux Urgences de l’hôpital de Tarbes. J’ai également un diplôme en oxyologie paramédicale, c’est-à-dire, en médecine de catastrophe. J’ai révisé un peu mes cours ces derniers temps !
Comment avez-vous géré le confinement, particulièrement pour les résidents des foyers ?
J’ai été nommée par la cellule de crise référente COVID 19. La cellule de crise a laissé le choix aux résidents : ceux qui le souhaitaient pouvaient rester dans leur famille, les autres pouvaient bien sûr rester au foyer. Au début du confinement, on est passé de 70 à 45 personnes aux foyers. L’ESAT a fermé. Nous avons uniquement gardé l’activité de restauration car nous avons des clients extérieurs, notamment des EHPAD dont celui de l’APAJH du Gers.
Il a également fallu apporter de la connaissance pour les salariés et les résidents sur les gestes barrières notamment. Je me suis beaucoup servie des outils adaptés proposés sur le site santé BD.
Aujourd’hui il y a 37 personnes accompagnées dans les foyers, les équipes maintiennent le contact avec ceux qui sont partis en famille. La permanence cadre existante est restée la même.
Comment maintenir l’accompagnement et l’activité tout en protégeant les salariés et les résidents ?
Pendant les dix premiers jours nous avons appliqué la maxime de la Direction : “pour gagner la guerre il faut veiller au train !”. Recensement des stocks, fournisseurs, restauration, protections… C’est avec la gouvernante et le responsable de la cuisine que nous avons beaucoup travaillé au point crise du matin. Parallèlement, j’ai informé et formé aux mesures barrières 85% de l’effectif total de la plateforme en une semaine, puis 100% la semaine suivante.
La cellule de crise a déterminé très vite les conditions de détection et de protection et fourni sur chaque résidence les kits nécessaires dans une caisse “COVID”. Les équipements en savon, produits d’entretien validé virucide, solution hydroalcoolique ont été rapidement effectifs (service entretien, veilleurs… Et tout un chacun !). Nous avons recensé toutes les personnes fragiles : par exemple, tous les travailleurs de la restauration présentaient des facteurs de comorbidité. Les moniteurs d’ateliers sont alors remontés sur cette activité pour les remplacer.
Beaucoup de professionnels sont “sortis” de leurs pratiques habituelles pour aller sur d’autres postes. Nous avons constitué une équipe de réserve, pour le cas où la pandémie se déclarerait dans une structure. Nous avons renforcé l’équipe avec des CDD pour permettre aux salariés d’avoir plus de temps de repos mais aussi qu’ils puissent être davantage avec leur famille. Le but était aussi que si d’autres professionnels tombaient malades, ils puissent être disponibles pour les remplacer sans être déjà épuisés.
Sur les équipes éducatives, on a aussi évité la propagation du virus en affectant les renforts sur une structure spécifique, sans les faire changer d’établissement.
Nous avons aussi créé une chambre “sas” à l’entrée des structures d’hébergement. Cette pièce permet aux salariés de se laver les mains, de prendre leur température, se doucher, se changer, etc. avant de rentrer en contact avec les résidents, mais aussi en repartant avant d’aller retrouver leurs proches.
Comment rassurer les équipes tout au long de cette crise ?
Les 15 premiers jours ont été très durs, pour tout le monde avec une profonde peur, légitime, d’attraper la maladie et de la transmettre ensuite autour d’eux. Il a fallu que la cellule gère relationnellement cette période. Une fois les mesures urgentes prises, nous avons travaillé avec la médecine du travail sur la validation du dispositif puis la Direction a lancé un recensement. Tous les salariés qui ont déclaré une fragilité ont été en contact avec le médecin du travail pour déterminer leur catégorie (sans risque, risque faible, moyen). Nous avons alors mis en place un protocole adapté pour ces salariés. La médecine du travail a eu un effet rassurant parce qu’elle a pointé du doigt qu’on était mieux équipés que certains hôpitaux et qu’on allait déjà au-delà de ses recommandations.
Nous avons aussi mis en place une cellule psychologique pour les familles et les personnes mais aussi pour les professionnels qui peuvent s’adresser en interne, au niveau pôle ou encore en externe.
Au niveau de la communication, la psychologue fait le lien journalier avec les externes et anime l’outil Teams. Cela me permet de transmettre l’information quasiment en temps réel sur l’ensemble de la plateforme. Nous nous sommes engagés à la transparence : tous les cas recensés salariés et personnes accompagnées y sont suivis (avec l’autorisation de chacun). Par exemple, les deux retours de tests négatifs sur le foyer ont été partagés. Ils ont permis de mettre en pratique devant tout le monde le confinement et les mesures de visites en chambre.
Sur Teams, on dépose des photos, des vidéos que nous avons fait en interne, des protocoles, des fiches pratiques, comme par exemple sur les gestes et les réflexes à avoir si l’un de nos résidents est malade. C’est aussi un espace pour que chacun puisse échanger, partager ses questionnements, etc.
Le médecin coordonnateur de l’EHPAD de Morlaàs a accepté d’être joignable sur Teams et le Directeur Adjoint de l’EHPAD, qui a été diagnostiqué COVID, a accepté de témoigner de sa maladie sur le réseau. Il est aujourd’hui guéri. J’ai échangé beaucoup de protocoles avec l’équipe de l’EHPAD.
Les structures souffrent beaucoup du manque de masques, de gels, de charlottes. Quelle est la situation aux Charmettes ?
Dès la fin février, nous avons fait l’inventaire de l’existant en masques, gants, gel, etc. Ce qui nous a sauvé est que nous avions déjà une réserve de masques en cas de grippe, mais aussi avec l’atelier self et notre ancien atelier “Abattoir”.
Sur la base des conseils de nettoyage du médecin hygiéniste de l’hôpital de Pau nous avons choisi d’équiper en masques le personnel. Une pharmacie voisine nous a également fourni du gel hydroalcoolique. L’ARS vient de nous livrer une dotation. Aujourd’hui, nous avons une réserve de masques chirurgicaux correspondant à deux semaines de crise. Ce qui nous manque le plus sont des protections évoluées en cas d’épidémie en interne.
Mais nous ne sommes pas les seuls dans cette situation, nous avons dépanné des infirmières libérales avec nos kits de visites de cuisine centrale, l’autre cabinet a préféré les combinaisons phytosanitaires. C’est dire ! Ce que nous trouvons regrettable, c’est de devoir compenser le “bazar” du secteur de soin local, déjà “pauvre”, et qui n’était pas prêt à cette crise. Nous avons dû conduire des patients, potentiellement malades du Covid-19 chez les médecins, faire des prélèvements dans nos voitures, amener les tests jusqu’à Tarbes (une heure de voiture) … pour une organisation non médicalisée, c’est un dépassement de fonction permanent. Heureusement, le temps passant, l’organisation du soin s’améliore.
Ce qui nous porte, c’est d’avoir toujours eu un temps d’avance sur l’épidémie, d‘avoir pu anticiper les situations et s’y préparer du mieux possible grâce à l’ensemble des acteurs de la plateforme.